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Introduction
Crée le 31 octobre 1801 (le IX brumaire de l’an X), la
Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale, avait
pour but de développer l'industrie nationale en encourageant l'innovation
technologique.
Rassemblant un grand nombre de savants (dont quasiment
tous les plus grands), de fonctionnaires (hauts administrateurs, personnalités
politiques), de propriétaires et de manufacturiers, la Société d’Encouragement
incitait et récompensait l’initiative ou la réussite
par la remise de prix et de médailles dont, pour des raisons évidentes
de déontologie, les membres de la Société ne pouvaient
pas bénéficier.
Son Conseil était composé à l’origine
de cinq comités (Arts mécaniques, Arts chimiques, Arts
agricoles, Arts économiques, Commerce et transport) qui consignaient
dans le « Bulletin », les rapports des Assemblées
mais surtout, des appréciations sur les nouvelles découvertes,
des comptes rendus scientifiques, des brevets et plus généralement
tout ce qui concernait la science et ses applications industrielles ou
artistiques.
Elle a été reconnue d’utilité publique
le 21 avril 1824 et ses statuts ont été définitivement
homologués par ordonnance du 25 avril 1824.
Ses dix premiers présidents
furent :
De 1801 à 1832 : Le Comte Jean Antoine CHAPTAL (5/6/1756-30/7/1832)
De 1832 à 1845 : Le Baron Louis Jacques THÉNARD (4/5/1777-21/6/1857)
De 1845 à 1864 : Jean-Baptiste DUMAS (14/7/1800-10/4/1884)
De 1864 à 1888 : Alexandre BECQUEREL (24/3/1820-11/5/1891)
De 1888 à 1891 : Julien HATON DE LA GOUPILLIÉRE (25/7/1833-7/1/1927)
De 1891 à 1894 : Louis Eugène TISSERAND (26/5/1830-31/10/1925
)
De 1894 à 1897 : Éleuthère MASCART (20/2/1837-24/8/1908)
De 1897 à 1900 : Marie-Adolphe CARNOT (24/1/1839-21/6/1920)
De 1900 à 1903 : Oscar LINDER (17/2/1829-23/2/1917)
De 1903 à 1905 : Henry LE CHATELIER (8/10/1850-17/9/1936)
Et l’ouraline dans tout ça ?
Lors de l’Assemblée générale du 6
juillet 1836, Jean-Baptiste DUMAS, propose «divers
prix relatifs aux perfectionnements à apporter dans l’art du verrier».
En effet, il constate que «l’industrie
française si perfectionnée,
si avancée en tout ce qui concerne les arts chimiques, laisse à désirer
sur plusieurs points très essentiels de la fabrication du verre,
et se trouve devancée à cet égard par quelques fabriques étrangères».
Jean-Baptiste
DUMAS, devant le Conseil des arts chimiques, propose deux prix à décerner
en 1938 :
- Prix pour la fabrication du verre teint dans la masse ou du
verre à deux
couches ;
- Prix pour la peinture ou la décoration des objets de gobeleterie.
Le
premier prix concerne autant les vitres que la gobeleterie. La Bohême
est alors la patrie réputée de la fabrication des cristaux
colorés ainsi que des verres à deux couches, surtout rouge
rubis et bleu cobalt, délicatement dégagées à la
meule. «On fabrique maintenant en France
des verres de ce genre, mais peu, et on ne livre au commerce qu'un petit
nombre de nuances. A
cet égard, les verreries allemandes sont plus avancées
que les nôtres, et fournissent au commerce des verres de nuances
plus variées (…) De même on y rencontre des objets
de gobeleterie en verre pourpre à deux couches, dont la couche
pourpre est formée de cristal ordinaire coloré par du protoxyde
de cuivre. En France, on fait des vitres pourpres, mais on n'a pas fait
de gobeleterie de ce genre».
Le deuxième prix concerne les émaux. «Les
verreries de la Bohême livrent au commerce des objets de gobeleterie
décorés
de couleurs vitrifiées qui sont appliquées à la
moufle et dont le glacé, la transparence, la pureté et
la solidité ne laissent rien à désirer». Les
couleurs vitrifiées dont parle Jean-Baptiste DUMAS, sont en fait
des émaux,
ce qui implique d’une part un choix étendu de couleurs (ce
qui, nous l’avons vu, n’était pas le cas en France)
et d’autre part nécessite une cuisson (à la moufle)
donc un verre peu fusible. Mais conclue, M. DUMAS, «cette
industrie est nouvelle pour la France qui, privée du verre peu
fusible qui en est la base, n'a pu s'en occuper jusqu'ici. Indépendamment
du verre résistant au feu qui doit servir de point de départ à cette
fabrication, il reste encore, pour la naturaliser dans notre pays, à découvrir
les moyens propres à appliquer sur ce verre les divers oxydes
colorants, ou la dorure d'une manière solide, éclatante
et économique».
Le concours resta ouvert jusqu’au 31 décembre 1837 (ce
qui explique que l'année “1837” soit prise comme année
de référence)
et les prix ont été décernés
comme prévus, à la séance générale
du 2éme semestre de 1838, puis approuvés en séance
générale, le 16 janvier 1839.
Ce jour là, Jean-Baptiste
DUMAS était de nouveau rapporteur
: «En rendant compte en détail des prix
sur l'art du verrier qui doivent être décernés dans
la séance d'aujourd'hui,
nous allons vous entretenir de faits accomplis, de produits acceptés
par le commerce, qui décorent tous nos magasins maintenant, et
qui étaient inconnus en France au moment où la Société a
proposé ses prix».
Cette séance décerna trois
prix :
- Prix de 4,000 fr. pour la fabrication
d'un verre blanc peu fusible.
Ce prix a été partagé par deux concurrents :
- M. DE FONTENAY, ancien élève de l'école centrale
des arts et manufactures, directeur de la verrerie de Plaine-de-Valch,
dans les Vosges, appartenant à M. le baron DE KLINGLIN.
- M. BONTEMPS, directeur de la cristallerie de Choisy-le-Roi.
- Prix de
3,000 fr. pour la fabrication du verre teint dans la masse ou du verre à deux
couches.
Ce prix a été partagé par les mêmes concurrents.
- Prix de 5,ooo fr. pour la peinture ou
la décoration des objets
de gobeleterie.
Ce prix a été partagé par deux concurrents :
- M. DE FONTENAY, directeur de la verrerie de Plaine-de-Valch ;
- M. Louis ROBERT, chef des couleurs de peinture sur verre, à la
manufacture royale de Sèvres.
L’année suivante, à l’Exposition de l’Industrie
Française de 1839, M. BONTEMPS de la cristallerie de Choisy-le-Roi
présenta ses premières pièces en ouraline.
Ainsi, M. DUMAS et la Société d'Encouragement pour l'Industrie
Nationale, sont indirectement à l’origine de l’ouraline
en France. Nul doute que même sans la Société d’encouragement,
les fabricants auraient réussi à fabriquer du verre d’urane
mais «le service qu'elle a rendu est si clair,
si évident en pareil
cas, qu'on peut dire qu'elle a été chercher cette industrie à l'étranger,
et qu'elle l'a transportée dans notre pays dans l'espace de quelques
mois et avec un sacrifice de quelques milliers de francs, qui vont bientôt
créer en France un travail annuel s'élevant à une
somme centuple de la valeur du prix».
Jean-Baptiste DUMAS résume le succès de sa proposition
de prix, résumant du même coup, la substantifique moelle
de la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale,
de la manière suivante : «Exemple remarquable,
dans les fastes de la Société, de ce que l'on peut obtenir en appelant
les efforts de tous vers un même but. Cette action des masses,
nous ne saurions trop chercher à la mettre à profit; ce
mouvement simultané de toutes les intelligences vers un but commun,
nous ne saurions trop l'exciter, quand il s'agit d'industries vitales,
comme il est facile d'en trouver un grand nombre et plus qu'il n'en faut
pour servir d'aliment à nos prix».
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